Ci après un texte écrit en 1996 et sa conclusion en 2007 - Bonne lecture !
LA SAGA DES BUCHETTES
Lorsque, dès1911, Baden-Powell conçut à grands traits la formation des cadres nécessaires au mouvement qui se mettait en marche, la recherche d'un insigne pour les cadres formés fut pour lui une priorité.
En effet, il fallait distinguer de la masse des adultes pleins de bonne volonté mais sans grande formation pédagogique ceux qui, formés dans un camp-école, appréhenderaient l'esprit du
Fondateur. On lit à ce propos dans ses notes: "Cours pour le diplôme de la spécialité des bois.
1 - Théorie : but et méthode de la formation scoute tels qu'ils sont expliqués dans le manuel "aide aux instructeurs éclaireurs" et dans le règlement.
Directions d'entraînement : connaissance de la nature pour développer le sens moral et donner des notions concernant la Vie sexuelle – éducation civique; cours de l’études soit par correspondance dans la gazette du QG soit par un WE d'entraînement « Gilwell Park » au gré du candidat.
- ceci formera un cours d'hiver.
2 - Pratique : en 4 groupes de sujets:
- cérémonie de troupe et camping;
- travaux des champs et de pionnier;
- science de la nature et jeux scouts;
- empreintes et pistes.
L’'entraînement aura lieu à Gilwell en 4 cours de WE ou en 8 jours consécutifs au gré du candidat.
3 – Administration : la valeur de l'administration pratique de la troupe ou du district est prouvée par les résultats de 18 mois de travail.
Ceux qu'il aimait appeler ses compagnons, et qu'il sentait d'esprit proche, partagèrent avec lui un de ses souvenirs de campagne, un collier zoulou qu'il avait obtenu, en signe de soumission, durant sa campagne de 1888-1889.
BP fixa ainsi les insignes :
Insignes :
-1 perle à la boutonnière pour avoir passé d'une manière satisfaisante les n° 1 et 2.
-1 perle à la courroie du chapeau et le diplôme pour avoir passé les 3 numéros d'une manière satisfaisante;
- 2 perles à la courroie du chapeau et le diplôme pour avoir passé avec mention spéciale et être promu au grade de chef de camp.
Mais le nouvel ornement faisait un peu "ver au bout d'un hameçon" et BP décida vite que le badge de bois serait composé de deux bûchettes autour du foulard, place qu'il a gardée depuis.
BP, naturellement Camp-Chief, c'est-à-dire responsable de la formation des chefs scouts dans le monde, décida de déléguer ses responsabilités. Pour Gilwell, il créa la fonction de camp chief's deputy (CCD), adjoint du Camp Chief, qui est le mestre de camp de Gilwell.
Le premier CCD fut Francis Gidney, qui dirigea le premier camp du badge de bois en septembre1919 (SWBC : Scout Wood Badge Course).
D'autre part, dans chaque pays un compagnon serait chargé, en son nom, d'assurer la création, le développement du scoutisme et sa pérennité. Il créa donc des Deputy Camp Chief, c'est-à-dire Mestre de Camp Délégué. Le diplôme habilitait les camps nationaux supervisés par leur titulaire pour la délivrance des diplômes de chef éclaireur. BP nomma le père Sevin, DCC pour les Scouts de France en 1922, mais les photographies de l'époque ne montrent pas le père Sevin portant les insignes actuels de cette fonction.
Dans l'esprit du fondateur, les DCC étaient des scoutmestres brevetés qui pouvaient remettre à d'autres chefs le badge de bois (deux bûchettes) : l'insigne des DCC fut donc 4 bûchettes : insigne composé de leur propre badge de bois et des deux bûchettes qu'ils pouvaient attribuer.
Il suivit cette même logique lorsqu'il décida que l'insigne du CCD se composerait de six (2+4) bûchettes. Cet insigne fut créé vers 1923, date à laquelle John Skimmer Wilson remplaça Francis Gidney, BP prit alors son badge de bois à 8 bûchettes et l'on voit alors Francis Gidney porter 6 bûchettes.
Cependant, l'insigne des "chefs assistant-DCC." ou "DCC adjoint" restait à trouver.
En effet, il convenait de donner un badge aux chefs qui, encadrant les camps de formation des scoutmestres, n'en avaient qu'une responsabilité partielle. Vers la fin des années 1920, les assistants de Wilson et ceux des DCC éparpillés dans le monde reçurent les insignes d’assistant camp chief, composés de trois bûchettes. Le premier à les recevoir fut le major Lucas, assistant de Gidney.
En plus du SWBC s'ouvrit vers1926-27 le stage d'entraînement d'équipe de Gilwell (Training Team Course ou TTC). Le 3ème TTC eut lieu en 1928 et le père Sevin et Henri de Montjamont y participèrent. Le père Sevin avait suivi en 1926 le 50ème SWBC.
Pierre Delsuc en 1932 (93ème SWBC) et Henri Dhavernas en 1936 (118ème SWBC) allèrent recevoir à Gilwell les insignes de DCC pour être habilités par Gilwell à diriger et encadrer les camps de formation (DCC et ACC). Il fallait suivre ces stages et donc intégrer la « Training Team ». Les habilitations délivrées par le Camp Chief's Deputy, au nom du Camp Chief, étaient donc indépendantes des associations nationales. Il est à noter que le Père Sevin a suivi ces cours après avoir reçu délégation en France, la dichotomie entre CNE.et DCC a longtemps existé chez les Scouts de France et le premier a avoir « cumulé » les deux est Michel Menu (1ère TTTC : training the team course – stage d'entraînement de l'équipe (de Gilwell)).
Le Père Sevin, Henri de Montjamont, Pierre Delsuc, Henri Dhavernas, DCC tous les quatre, n'ont pas été CNE, de même Paul Coze, Michel Blanchon, Pierre-Louis Gerin, Jean-Pierre Alouys n'ont jamais reçu (faute d'être allé à Gilwell poursuivre le camp-école spécifique) les 4 bûchettes éclaireur.
Michel Blanchon s’était certes rendu à Gilwell, avec le Père Sevin, en 1922. Cependant, il ne reçut pas les 4 bûchettes éclaireur.
Chez les Eclaireurs de France, André Lefevre (Vieux Castor) commissaire national, André Marty et Emile Guillen ont été DCC avant la guerre de 1939-1945, le commissariat national éclaireur n'existait pas en tant que tel et ses titulaires tournaient dans les trois branches. J.O. Grandjouan, Pierre Francois et Emile Arnaud ont tous trois été CNA Eclaireurs sans porter les 4 bûchettes.
Pour conclure, il faut noter la rapidité de mise en place des structures :
1919 : Inauguration de Gilwell Park ;
Août/septembre 1919 : premier camp international pour scoutmestre ;
juillet1922 : premier camp de scoutmestres dirigé par André Marty, commissaire International
1923 : 1er Chamarande et 1er Cappy.
En1970, Henri Dhavernas remit les 4 bûchettes de DCC à Pierre-Yves Labbe, ce qui permit alors à l’AGSE France ( et Belgique ) d'attribuer les insignes de scoutmestre, d'ACC et de DCC.
PY Labbe fut nommé Camp Chief AGSE, puis ce fut Odette Perraud qui assura ces fonctions créées dans la tradition de Gilwell par l’AGSE, mais non dans la continuité.
Cependant, plusieurs arguments sont en faveur de ce qui est fait à l’AGSE France :
– Gilwell ne pouvant plus être considéré comme le centre de formation du scoutisme, et la création d'un camp de formation des chefs conforme à l'esprit de BP n'est pas une hérésie. Même si les idées de BP doivent évoluer avec le temps, les nouvelles méthodes d'éducation dispensées à Gilwell sont éloignées de l'esprit du fondateur ;
– la reconnaissance des diplômes délivrés par Gilwell ;
– le camp national de formation peut être dirigé par un ACC
D'autres éléments sont en défaveur :
- l'attribution de diplômes de DCC AGSE France à des chefs n'en ayant jamais rempli les fonctions;
- subordination du Camp Chief AGSE France aux structures nationales ;
- l'attribution de diplômes d’ACC AGSE à des chefs n'ayant pas été en maîtrise du camp national serait de même une entorse aux traditions héritées de Gilwell et de Chamarande, mais même ces traditions peuvent évoluer, surtout si l'on considère comme nouvelle base de départ les structures mises en place par l’AGSE.
Cependant, pour que ces traditions ne se transforment pas en simples habitudes et restent bien enracinées dans le scoutisme de BP, il faut que leurs évolutions soit en cohérence avec l'histoire de Gilwell et de Chamarande.
1996
11 ans après avoir été écrites, ces conclusions sont toujours d’actualité. Les diplômes d’ACC et de DCC sont dorénavant attribués à l’AGSE selon des critères, certes parfaitement admissibles, en contradictions avec les grands principes historiques évoqués ci-dessus. On ne peut donc que constater la rupture de tradition avec Gilwell, Chamarande et même Cappy.
Mais au bout de cent ans de scoutisme, que vaut l’histoire passée pour ceux qui se considèrent comme devant écrire le futur du scoutisme ?… Et pourtant, les leçons du passé ne sont elles pas les meilleures graines d’avenir ?